Parlons clair
sur les claques




Illustration: Herman Wiederwohl

(2004) L'ayant-droit renonce au copyright de cette publication, qu'on peut obtenir librement à www.nospank.net/parlons.htm, reproduire et distribuer. Pour plus d'informations sur ce sujet, voir www.nospank.net. Parents and Teachers Against Violence in Education (PTAVE) est une organisation à but non lucratif de catégorie 501(c)(3). Adressez toute question à PTAVE, P.O. Box 1033, Alamo, CA 94507 ou par e-mail riak@nospank.net, ou téléphonez au (925) 831-1661.

Merci à Catherine Barret, de l'OVEO, pour la révision de ce texte.


Parents et enseignants contre la violence dans l'éducation (PTAVE) propose Parlons clair sur les claques pour le bien des enfants de tous pays. Les idées que vous lirez dans cette plaquette ne sont pas nouvelles ni révolutionnaires. Il y a toujours eu des gens sages et sensibles dans toute culture civilisée qui ont plaidé en faveur de méthodes non-violentes de socialisation des enfants. Mais, le plus souvent, leurs sages conseils ont été ignorés ou rejetés et les conséquences ont été incalculables pour l'ensemble de l'humanité. Dans ces quelques pages, nous avons tenté d'extraire l'essentiel de leur message et de le publier une fois de plus.

Nous exprimons notre profonde gratitude à nos nombreux amis pour leur enthousiasme, leurs conseils éclairés et leur soutien généreux.


L'enfant qui gémit sous la baguette
Écrit sa vengeance au Royaume des morts.

— William Blake (1757-1827)



Par JORDAN RIAK

Aujourd'hui, on ne trouve plus d'arguments favorables aux châtiments corporels dans la littérature scientifique. Cette opinion, partagée par les spécialistes de la santé mentale et du développement des enfants et d'autres professionnels de domaines voisins, s'est développée depuis plusieurs décennies et ses origines remontent à plusieurs siècles.

Cela ne signifie pas qu'il n'y ait plus de partisans du châtiment corporel des enfants – ce serait aussi faux que d’affirmer qu'il n'y a plus de partisans du châtiment corporel des femmes. Les deux pratiques sont répandues, et les personnes qui en frappent d'autres sont en général persuadées d’avoir des raisons valables.


L'effet durable sur les enfants
Certains chercheurs affirment que tout acte de violence commis par un adulte sur un enfant, quelle que soit sa durée ou son intensité, laisse une cicatrice affective qui demeure toute la vie. Nous pouvons dans une certaine mesure le démontrer à partir d'une expérience personnelle. Beaucoup d'entre nous doivent admettre que les souvenirs d'enfance les plus vivaces et les plus désagréables sont ceux liés au fait d'avoir été frappés par nos parents. Certains trouvent le souvenir de ces faits si désagréable qu'ils prétendent qu'ils étaient sans importance et même comiques. Vous pourrez remarquer qu'ils sourient lorsqu'ils décrivent ce qu'on leur a fait. C'est la honte et non le plaisir qui les fait sourire. Comme une protection contre la souffrance présente, ils travestissent la mémoire des sentiments passés.

Dans une tentative pour nier ou minimiser le dangers de frapper, on entend beaucoup de « frappeurs » arguer qu’« une claque n'a rien à voir avec la maltraitance » ou qu’« une petite fessée n'a jamais fait de mal à personne ». Mais ils ont tort.

Une bonne comparaison avec la fessée pourrait être le fait d'empoisonner la nourriture. Dans la plupart des cas, les victimes d'un empoisonnement s'en tirent sans mal apparent et sans effets durables. Mais qui a besoin de cela ? Le simple fait qu'on ait toutes les chances d'y survivre n'est pas pour autant une preuve que l'expérience est bénéfique. Les parents informés reconnaissent que frapper leurs enfants est comme saupoudrer leur nourriture d'une substance toxique. Aucun bien ne peut en résulter et le risque est grand.

Mais certains parents demanderont : « Comment pouvez-vous prétendre être un parent responsable si vous n'empoignez pas l'enfant sur le point de se jeter au beau milieu de la circulation et si vous ne lui envoyez pas une bonne claque pour qu'il retienne vos avertissements sur les dangers de la rue ? »

En réalité, le fait d'être frappé précipite les enfants dans un état de violente confusion émotionnelle qui rend très difficile pour eux de retenir la leçon que les adultes disent essayer de leur inculquer. Donner une prétendue « bonne fessée » permet certes à l'adulte de laisser libre cours à sa colère, mais risque d'accumuler la colère dans l'enfant. Alors que le soulagement de l'adulte est temporaire, l'effet sur l'enfant est permanent. Les coups n'enseignent pas à l'enfant que les voitures et les camions sont dangereux. Ils leur enseignent que les adultes dont ils dépendent sont dangereux.


La confiance perdue
L'enfant frappé ne peut plus regarder son père ou sa mère comme la source d'amour, de protection et de réconfort vitale pour son bon développement. Le ressentiment et la méfiance qui résultent des coups détruisent les sentiments d'attachement de l'enfant aux adultes les plus importants dans sa jeune vie. L'enfant qui est ainsi trahi, comme l'enfant à qui on refuse nourriture appropriée, chaleur ou repos, souffre et ne peut se développer de la meilleure manière possible.

Menaces
Certains parents frappent rarement ou pas du tout, mais profèrent constamment de terribles menaces : « Si tu ne restes pas tranquille pendant que je téléphone, je vais te coudre la bouche avec une grande aiguille », « Fais bien attention ou on va te couper les doigts. C'est ce qu'on fait aux enfants désobéissants qui touchent à tout. » Ils trouvent facile de faire obéir les enfants de cette façon, au moins temporairement.

Au début, tant que les enfants croient aux menaces des adultes, ils obéissent par peur. Mais ils apprennent vite à ruser et à mentir pour échapper aux terribles punitions qu'ils croient qu'on leur réserve. Plus tard, lorsqu'ils découvrent que ces menaces sont vaines, ils en concluent que les adultes aussi sont des menteurs.

Quand la confiance entre les enfants et leurs plus proches éducateurs est ainsi entamée, la capacité des enfants à établir des relations de confiance avec les autres est aussi perturbée. Cela peut les rendre incapables pour toute leur vie de coopérer ou d’établir une intimité avec qui que ce soit. Les gens qui ont été blessés de cette manière tendent à voir toute relation comme une négociation, comme un marché à perdre ou à gagner. Ils voient l'honnêteté et la confiance dans les autres comme une faiblesse à exploiter, exactement comme leur faiblesse a été jadis exploitée.

L’usage de la force
Frapper les enfants leur apprend que les relations humaines sont basées sur la force et que c'est la force qui fait le droit. Plus un enfant est frappé, plus grande est la probabilité que cet enfant devienne un adulte qui, avec les autres, s’imposera par la force et non par la raison ou par l’exemple.

Le « dur », le violeur, le mari violent appartiennent à cette catégorie d’hommes ; mais aussi le charlatan, l’arnaqueur, l’escroc. Ainsi que tous ceux qui les suivent ou qui s’accrochent à eux pour profiter des retombées de leur pouvoir.

Violence éducative et violences conjugales
Dans une écrasante majorité de cas, les maris et les femmes dont le mode de relation inclut la violence sont aussi violents envers leurs enfants. De tels parents ont sûrement été frappés quand ils étaient enfants et ont vu frapper d'autres enfants.

Les parents violents ou battus qui frappent leurs enfants leur apprennent à devenir plus tard, comme eux-mêmes, des parents violents ou des victimes. Les enfants apprennent par l'exemple de leurs parents que la meilleure manière d’évacuer leurs frustrations, d’exprimer leur désaccord et d’affirmer leur autorité est de frapper un plus petit et un plus faible que soi. Ils voient ce principe démontré chaque fois qu'ils assistent à des violences entre leurs parents, et chaque fois qu'ils subissent eux-mêmes des punitions violentes.

Ils apprennent que, dès qu'ils seront assez grands et assez forts, ils pourront dominer les autres en les menaçant et en les frappant. Ils apprennent que c’est une bonne chose de se frapper entre mari et femme, et pour les adultes de frapper les enfants.

Quand les enfants dont la personnalité a été formée dans une famille violente deviennent adultes et ont à leur tour des enfants, il leur est très difficile de rompre avec les comportements dont ils ont été témoins et victimes. Les solutions qu'ils appliquent dans leur vie de famille sont les pauvres savoirs qu'ils ont appris de leurs parents et ils vont vraisemblablement perpétuer le cycle de violence à travers leurs propres enfants innocents.

Lorsque le châtiment corporel des enfants disparaîtra de la vie des familles, les autres formes de violence domestique disparaîtront aussi. Pas avant.

Abus sexuels et fessées
Les enfants frappés ne regardent pas leur corps comme leur propriété personnelle. Les coups les amènent à accepter l'idée que les adultes ont une autorité absolue sur leur corps, y compris le droit de leur infliger la souffrance. Et les coups sur les fesses leur apprennent que même leurs zones sexuelles sont soumises au bon vouloir des adultes. L'enfant qui est soumis à une fessée le lundi sera probablement incapable de dire « non » à un abuseur le mardi. Les gens qui abusent ou exploitent les enfants savent cela. Ils choisissent leurs victimes potentielles parmi les enfants à qui l'on a dit : « Obéis, sinon... », parce que de tels enfants sont des proies faciles.

Fessées et développement sexuel
Les coups sur les fesses peuvent provoquer chez certains enfants des sensations sexuelles immatures. Ils n'ont pas de contrôle sur ces sensations et ne comprennent pas ce qui leur arrive. La tragique conséquence pour certains de ces enfants est qu'ils établissent une relation entre la souffrance, l'humiliation et la stimulation sexuelle qui perdure tout au long de leur vie. Même s'ils peuvent se marier, avoir une vie familiale, occuper des postes de responsabilité dans la société et ne donner aucun signe apparent de trouble affectif, ils peuvent être secrètement et honteusement tourmentés par un besoin qui, dans certains cas, les pousse à recourir à des prostituées qu'ils fessent ou à qui ils demandent des fessées. L'industrie de la pornographie fait d'excellentes affaires en pourvoyant aux besoins de ces infortunés.

La science médicale a longuement reconnu et analysé avec force détails le lien entre les fessées dans l'enfance et le développement de comportements sexuels antinaturels. Ce pourrait être une raison suffisante pour ne jamais fesser un enfant.

Danger physique de frapper sur les fesses
Les muscles fessiers protègent le nerf le plus long du corps, le nerf sciatique. Un coup violent sur les fesses, en particulier avec un instrument tel qu’un morceau de bois, peut provoquer un hématome dans les muscles qui entourent ce nerf, voire une lésion du nerf, et entraîner un affaiblissement de la jambe concernée.

Lorsqu’un enfant est frappé à cet endroit, la très délicate extrémité osseuse à la base de l'épine dorsale peut aussi être endommagée. Et quand on demande à l’enfant de se pencher en avant pour pouvoir le frapper, ses organes sexuels peuvent être atteints. Les médecins hospitaliers constatent souvent des dislocations du coccyx et des écrasements des organes sexuels à la suite de châtiments violents.

Certains, pour justifier la fessée, affirment que Dieu ou la Nature a conçu cette partie de l'anatomie pour la fessée. Cette croyance est absurde. Aucune partie du corps humain n'a été faite pour être traitée avec violence.

Danger physique de frapper sur les mains
La main de l'enfant est particulièrement vulnérable parce que ses ligaments, ses nerfs, ses tendons et ses vaisseaux sanguins sont tout près de la peau, sans tissu protecteur sous-jacent. Frapper les mains de jeunes enfants est spécialement dangereux pour les plaques de croissance des os, qui, lorsqu’elles sont endommagées, peuvent causer des déformations ou des dysfonctionnements. Frapper la main d'un enfant peut aussi lui causer des fractures, des luxations et des arthrites précoces.

Secousses
Secouer un enfant peut provoquer cécité, traumatisme du rachis cervical (« coup du lapin »), lésions au cerveau et même mort.

Fessée à la maison et résultats scolaires
Beaucoup d'enseignants vous diront que les enfants qui manifestent à l’école les problèmes de comportement les plus graves sont ceux qui sont le plus maltraités à la maison. Les enfants battus dans leur famille ont été conditionnés pour s’attendre au même type de traitement de la part des figures d'autorité hors de la maison. Pour ces enfants, le champ de bataille qu'est leur vie à la maison se prolonge à l’école. Cela les expose à l'échec ou à l’abandon des études, au conflit avec les responsables scolaires et parfois à des démêlés avec la justice.

Dans leur tentative de se défendre contre ce qu'ils considèrent comme un monde difficile et hostile, ces enfants recherchent naturellement la compagnie d'autres enfants ayant des problèmes semblables. « Mes parents et mes profs ne me comprennent pas, mes copains, si », disent-ils. Et ils ont de bonnes raisons de le croire. C'est une des causes du développement des bandes, qui attirent particulièrement les enfants dont l'estime d'eux-mêmes a été détruite par les coups, les humiliations, les insultes, les menaces, les critiques incessantes, les interdictions déraisonnables et la négligence physique et affective.

Il ne faut pas s'étonner que beaucoup de jeunes garçons rejettent le monde des adultes dans la même mesure où ils estiment en avoir été rejetés. Ni être surpris que ces adolescents qui, tout au long de leur enfance, ont été soumis à la violence, recourent eux-mêmes à la violence dès qu'ils en sont capables. Avec souvent pour résultat que l'agressivité que beaucoup d'adolescents cultivent en la croyant essentielle à leur survie les conduit à l'échec et à la catastrophe – comme en témoignent nos prisons pleines à craquer.

Certains enseignants travaillent sans relâche à canaliser le trop-plein d'agressivité de leurs élèves victimes de violences et à leur instiller la confiance dont ils manquent. Mais c'est une tâche monumentale qui exige un savoir-faire spécialisé et un dévouement que tous les enseignants ne possèdent pas ou qu’ils ne peuvent pas manifester très longtemps. Cela demanderait des moyens extraordinaires dont les écoles publiques ne disposent généralement pas.

L'échec scolaire et la délinquance juvénile ne seraient plus des problèmes majeurs de notre société si nous pouvions convaincre les parents et les autres éducateurs de cesser de « socialiser » les enfants d’une manière qui les rend au contraire asociaux ou autodestructeurs. Autrement dit, de cesser de les frapper et de commencer à les élever.

Châtiments corporels, tabac, alcool et drogues
Etre frappé est une expérience dégradante et humiliante. L'enfant frappé n'enregistre pas seulement les coups, mais aussi le message qu'ils lui transmettent : « Tu es un bon à rien. Je ne veux plus de toi ! » Ce message influence le développement de la personnalité des enfants. Il leur inculque la haine d'eux-mêmes.

Tout enfant est exposé un jour ou l’autre à la tentation de substances qui promettent un soulagement instantané des sentiments d'indignité et de rejet. Il peut voir toutes sortes de gens ingérer des substances diverses dans le but de se sentir mieux. Il est difficile de convaincre un enfant en souffrance qu'un tel soulagement est une illusion, qu'ingérer, inhaler ou s’injecter une substance ne permet pas de retrouver l’estime de soi, mais peut au contraire l'enfouir encore plus profondément sous le poids de nouveaux problèmes.

Châtiments corporels et comportements délinquants
Tout le monde connaît la liste des maux sociaux considérés comme la source des comportements violents et criminels : pauvreté, discrimination, famille détruite, drogue, gangs, facilité d’accès à des armes meurtrières. Et il est évident que chaque élément de la liste ci-dessus contribue à la violence et à la criminalité. Pourtant, un élément clé est rarement mentionné : les châtiments corporels.

En 1940, dans leur célèbre étude sur les enfants délinquants et non délinquants, les chercheurs Sheldon et Eleanor Glueck ont montré à quel point certaines influences précoces du milieu amenaient les enfants à développer des comportements antisociaux et violents. Ils ont montré que les premiers signes de délinquance apparaissaient souvent dès trois ans, longtemps avant que les enfants n’entrent en contact avec des influences extérieures au foyer. Les Glueck ont montré comment l'incapacité des parents à élever leurs enfants avec calme, douceur et patience et le fait de recourir uniquement aux châtiments corporels tendait à produire des enfants agressifs et impulsifs. Les résultats étaient d’autant plus mauvais que ces traitements étaient sévères et précoces.

Les Glueck ont aussi constaté une corrélation systématique entre les plus faibles taux de comportements antisociaux et le fait que les enfants aient été élevés depuis leur plus jeune âge dans des familles attentives, tolérantes, non-violentes et qui ne les frappaient pas.

Le message à tous les parents qui souhaitent que leurs enfants ne fassent jamais l’expérience de la prison est très simple : DONNEZ DE L'AMOUR ET EDUQUEZ SANS FRAPPER.

Châtiments corporels, racisme et haines collectives
Frapper les enfants les emplit de colère et de désirs de vengeance. Mais ces désirs ne sont que très rarement suivis d’un passage à l’acte immédiat. Même les enfants les plus durement frappés ne rendront généralement pas les coups à ceux qui les leur ont donnés. Ils vont plutôt soulager leur souffrance en cherchant dans leur imagination des ennemis virtuels contre qui ils peuvent sans danger laisser libre cours à leur colère. Il peuvent aussi atteindre ce but en s’en prenant à des frères ou soeurs plus jeunes, ou à l’animal favori de la famille, ou trouver un dérivatif dans des émissions de divertissement.

A mesure que les enfants grandissent et que les préjugés de leur milieu social ont davantage de prise sur eux, leur colère se dirige de plus en plus facilement vers des boucs émissaires désignés. Des fractions politiques cultivant la haine et l'extrémisme les accueillent à bras ouverts et leur donnent l’occasion de transformer leurs fantasmes en réalité. Un nombre non négligeable d’adultes répondent à cette sollicitation à chaque génération, et leurs actes constituent le pire échec de la tradition des châtiments corporels.

Les punitions corporelles à l'école
Dans les pays industrialisés, les châtiments corporels à l'école ont presque disparu. Ils sont illégaux dans tous les pays européens. (En Autriche, en Croatie, à Chypre, au Danemark, en Finlande, en Italie, en Lituanie, en Norvège et en Suède, personne, en aucune circonstance, y compris les parents, ne peut légalement frapper un enfant.) Parmi les grands pays industriellement développés, les Etats-Unis sont les plus réfractaires à toute réforme dans ce domaine. Mais, petit à petit, un nombre croissant d'Etats interdisent les châtiments corporels à l’école, et, dans les Etats qui les autorisent encore, un nombre croissant de districts scolaires ont sagement interdit cette pratique.

Pourtant, il reste un grand nombre d'enseignants et d'administrateurs d'écoles qui, comme beaucoup de parents, manquent d'informations à ce sujet et persistent à croire qu'il est tout à fait normal d'élever les enfants par les moyens de la violence physique et de la menace. Alors, que doivent faire les parents éclairés et responsables ?

Si vous saviez que le bus de ramassage scolaire a des pneus lisses et des freins défectueux, vous ne laisseriez pas votre enfant y monter et vous demanderiez aux autorités scolaires de résoudre ce problème immédiatement. Si vous appreniez que les conduits d'aération de votre école sont pollués par l'amiante, vous en retireriez votre enfant immédiatement et alerteriez les autres parents du danger.

Les punitions corporelles ne sont pas plus inoffensives. Elles sont très dangereuses et, dans une communauté scolaire, toute personne de bon sens devrait lutter contre elles.

En tant que parent, vous avez le droit et l'obligation de protéger votre enfant contre tout danger connu. Informez vos autorités scolaires, locales, régionales et nationales que personne n'a votre permission, ni le droit moral, de mettre en danger votre enfant à l'école.

Châtiments corporels et développement cérébral
Dans la première période de l'enfance, le cerveau se développe plus vite que tous les autres organes du corps. À l'âge de cinq ans, le cerveau sera arrivé à environ 90 % de son poids adulte, à sept ans, il sera complètement formé. Cela fait de ces premières années une période très délicate en ce qui concerne le développement cérébral.

Le stress associé à la douleur et à la peur causées par la fessée peut affecter négativement le développement et le fonctionnement du cerveau d'un enfant. Et c’est précisément pendant cette période de grande malléabilité que beaucoup d'enfants sont soumis aux châtiments corporels. Cela peut avoir pour effet un dérèglement de la croissance normale du cerveau, et par suite des anomalies irréversibles.

Selon le Dr Martin Teicher de l'hôpital McLean à Belmont, Massachusetts : « Nous savons qu'un animal exposé au stress et à la négligence tôt dans sa vie développe un cerveau préparé à faire l'expérience de la peur, de l'anxiété et du stress. Nous croyons que la même chose est vraie chez l’être humain. » ("Child Abuse Changes the Developing Brain", Yahoo! News, le 29 décembre 2000.)

Dans son article "The Neurobiology of Child Abuse" (Scientific American, mars 2002), Martin Teicher écrit : « De nouvelles études d'imagerie cérébrale et d'autres expériences ont montré que la maltraitance des enfants peut causer des dégâts permanents sur la structure et le fonctionnement neurologique du cerveau en développement. La gravité de ce résultat montre la nécessité d’efforts accrus contre la maltraitance et la négligence envers les enfants avant que ce dommage irréversible ne soit infligé à des millions de jeunes victimes. » (P. 70) « La société récolte ce qu'elle sème par sa façon d'éduquer les enfants. » (P. 75.)

Aucun parent responsable ne mettrait délibérément en danger le développement normal du cerveau d'un enfant, et c’est pourtant précisément ce que font sans le savoir les parents qui recourent à la fessée.


CE QUE DISENT LES SPECIALISTES (traduit de sources anglophones)

« Toute forme de punition corporelle ou de fessée est une attaque violente contre l'intégrité d'un autre être humain. L'effet demeure dans la victime pour toujours et devient une part inoubliable de sa personnalité, une frustration massive se transformant en hostilité qui cherchera à s'exprimer plus tard en actes violents contre les autres. Plus tôt nous comprenons que l'amour et la douceur sont les seules formes de comportement adaptées à l'égard des enfants, mieux ce sera. L'enfant, en particulier, apprend à devenir le type d'être humain qu'il ou elle a expérimenté. Cela devrait être pleinement compris par les éducateurs. »
Ashley Montagu, anthropologue.

« Les punitions corporelles infligées aux enfants contrarient leurs processus d'apprentissage et leur développement social optimal en tant qu'adultes responsables. Nous croyons important, pour les professionnels de santé, les enseignants et les autres catégories concernées par la santé physique et affective des enfants et des jeunes, d'adopter des méthodes alternatives pour que les enfants et les adolescents apprennent à se contrôler eux-mêmes et à avoir un comportement responsable. »
Dr Daniel F. Whiteside, ministre adjoint à la Santé et aux services sociaux (administration Reagan).

« Les mesures punitives, qu'elles soient administrées par la police, les enseignants, le conjoint ou les parents, ont des effets habituels que l'on connaît bien : 1) la fuite – dans l’enseignement, on appelle cela "absentéisme" ; 2) la contre-attaque : vandalisme à l'école, agressivité contre les enseignants ; 3) l'apathie – un retranchement morose dans la passivité. Plus violente est la punition, plus graves sont les effets secondaires. »
B. F. Skinner, écrivain, professeur de psychologie à Harvard.

« Les punitions corporelles entraînent l'enfant à accepter et à tolérer l'agression. Elles figurent toujours, de façon notable, parmi les sources de l'agressivité des adolescents et des adultes, en particulier dans les manifestations qui prennent une forme antisociale, comme la délinquance et la criminalité. »
Philip Greven, professeur d'histoire, université Rutgers.

« J'ai toujours plaidé pour la totale abolition des punitions corporelles et je crois que la pornographie prend sa source dans notre tradition de battre les enfants. »
Gordon Moyes, pasteur de l'Uniting Church, directeur de la Wesley Central Mission, Sidney, Australie.

« Être élevé comme un esclave crée un tempérament d'esclave. . . Les battre, et leur infliger toutes sortes de punitions corporelles humiliantes n'est pas une discipline à employer pour l'instruction de ceux dont nous voudrions qu’ils deviennent des hommes bons, sages et honorables. »
John Locke (1632-1704), Some Thoughts Concerning Education (Quelques pensées sur l’éducation), 1693.

« Ne te hâte pas de gronder ton élève, car cela l'abêtit et décourage sa bonne volonté, mais instruis-le avec douceur de façon à lui donner à la fois le désir de s'amender et la joie de progresser dans l'amour et l'espoir de la connaissance. Que le maître dise : "C'est bien !" Je vous assure qu'il n'y a pas de meilleure pierre pour aiguiser un bon esprit et encourager l'amour du savoir que la louange. A mon avis, l'amour est plus efficace que la peur, la douceur que les coups pour conduire un enfant dans la voie de la connaissance. »
Roger Ascham (tuteur de la reine Elizabeth Ière), Le Maître d'école, Angleterre, v. 1568.

« On doit porter les enfants à l'amour du bien, par la douceur et la persuasion, jamais par des punitions dures et humiliantes. »
Plutarque (vers 46-120 ap. J.-C.), "L'Education des enfants", vol. I, Moralia, Grèce antique.

« Quand les enfants sont battus, la souffrance ou la peur a fréquemment pour résultat le dégoût de parler et vraisemblablement, par la suite, la honte, honte qui affaiblit et paralyse l'esprit et amène l'enfant à fuir et détester la lumière. Je ne veux pas passer plus de temps sur ce sujet. Nous en savons déjà assez. »
Quintilien (vers 35-95 ap. J.-C.), De l’institution oratoire, Rome antique.


QUESTIONS ET RÉPONSES

Q: Qu’ont en commun à peu près tous les délinquants juvéniles ?
R: Ils ont été élevés par des parents qui les frappaient.

Q: Quel était le point commun des enfances de Hitler, Staline, Pol Pot, Saddam Hussein et Charles Manson ?
R: Enfants, ils ont été constamment soumis à des châtiments corporels sévères.

Q: Quel est le point commun entre violeurs, incendiaires, terroristes, tortionnaires, tueurs en série, tireurs fous, assassins, conjoints violents, auteurs de massacres, d’attentats à la bombe, de kidnapping, d’attaques à main armée, d’empoisonnements en série, de harcèlement, d’actes de vandalisme ?
R: Une éducation violente.

Q: Quel type d'enfant ne s'associera jamais à des malfaiteurs ?
R: Celui qui est éduqué sans être battu.

Q: Que faut-il faire pour changer un gentil chiot en chien de garde méchant ?
R: Limiter ses mouvements et le battre souvent.


COMMENT VOUS POUVEZ CHANGER LES CHOSES
Il y a autour de vous des gens qui n'ont jamais entendu parler des idées exprimés ici. Ne pensez-vous pas qu'il est temps d’y remédier ?

Vous pouvez aider à planter la graine d'une nouvelle génération plus attentive, plus coopérative et moins violente en partageant cette publication avec d’autres : vos amis, vos voisins, votre famille, les associations auxquelles vous participez, les enseignants de vos enfants, vos élus locaux, votre député, votre gouvernement. Nous pensons que tout le monde devrait entendre ce message.

Nous savons que certains rejetteront nos conclusions sur les dangers de la fessée. Ils ne voudront pas y penser ou réagiront avec hostilité parce que ces informations les mettent mal à l'aise. Cela ne nous décourage pas et ne doit pas vous décourager. D'autres seront intéressés de savoir pourquoi les bonnes vieilles méthodes pour socialiser les enfants réussissent si mal.

Il y a aussi ceux qui élèvent déjà leurs enfants sans violence, mais qui ont besoin d’être confortés dans leur attitude. Vous pouvez les aider en partageant avec eux ce que vous savez sur ce sujet. Par exemple en leur donnant un exemplaire de cette brochure, ou en leur faisant connaître notre site www.nospank.net, où il pourront trouver mille et une raisons de ne pas frapper leurs enfants.

Nous sommes convaincus qu'un jour, l'humanité civilisée se retournera avec stupéfaction et pitié sur un passé où l'on croyait qu’il était bon pour les enfants d’être battus.


RESSOURCES ET LECTURES ADDITIONNELLES

Français

Marc-André Cotton, Tom Johnson. "Fessée et perversions sexuelles." Regard conscient (février 2003). En ligne à www.regardconscient.net/archi03/0302fessee.html.

Steve et Shaaron Biddulph. Le Secret des enfants heureux. Marabout, 2003.

Don Dinkmeyer et Gary D.McKay. Le Manuel de la parentalité. Jouvence, 2003.

Catherine Dumonteil-Kremer. Élever son enfant... autrement. La Plage, 2003.

Isabelle Filliozat. Au cœur des émotions de l’enfant. J. C. Lattès, 1999.

Thomas Gordon. Parents efficaces au quotidien. Marabout, 1995.

Olivier Maurel. La Fessée : 100 questions-réponses sur les châtiments corporels. La Plage, 2001, 2005.

Olivier Maurel. Oui, la nature humaine est bonne !. Laffont, 2009.

Miller, Alice. C'est pour ton bien: Racines de la violence dans l'éducation de l'enfant. Aubier, 1984.

Miller, Alice. Libres de savoir (Ouvrir les yeux sur notre propre histoire). Flammarion, 2001. [PTAVE recommande l'ensemble des livres d'Alice Miller, qui sont tous disponibles en français.]

Eli H. Newberger. Devenir un homme : Comment éduquer et accompagner son fils jusqu'à l' âge adulte. J.-C. Lattès, 2000.

WWW.OVEO.ORG (site de l'Observatoire de la Violence Educative Ordinaire).

Anglais

James Gilligan. Violence: Reflections on a National Epidemic. New York : G.P. Putnam's Sons, 1996.

Philip Greven. Spare the Child : The Religious Roots of Punishment and the Psychological Impact of Physical Abuse. New York : Random House, 1991.

Mitch Hall. The Plague of Violence: a preventable epidemic. Checkmate Press, www.CheckmateNow.org, 2002.

Irwin A. Hyman. The Case Against Spanking: How to Stop Hitting and Start Raising Healthy Kids. San Francisco : Jossey-Bass Inc., 1997.

Murray A. Straus. Beating the Devil out of Them: Corporal Punishment in American Families. New York : Free Press, 1994.

Felicity de Zulueta. From Pain to Violence: The Traumatic Roots of Destructiveness. Wiley-Blackwell, 2006.


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